Petit précis à l'usage du néophyte dunaire

Il y a quelques dizaines d’années, lorsque les yeux ébahis du quidam de base, bravant tête baissée le furieux Noroid bigouden, embrassaient enfin, du haut de la dune de galets péniblement gravie, le paysage épatatouflant de l’éro Vili longeant la Baie d’Audierne, sa première réflexion, une fois ranimé, stabilisé et rincé des embruns, était de hurler : Ca fait du reuz !

Et sa première question, une fois la parole retrouvée et la première gorgée de chouchen avalée, est de demander d’où viennent tant de galets si joliment et si harmonieusement ranger au bord de l’eau. En y regardant de plus près, même sans l’aide d’une loupe, chacun appréciera avec l’oeil vif qui le caractérise, le fait que le galet n’est qu’un vulgaire caillou lissé avec soin et peints à la main, ce qui le rend plus charmant à l’oeil et doux au toucher qu’un chat persan,  

Recul du trait de cote entre 1946 (au crayon gris) et 1956 (en noir)

 

sauf lorsqu’on le prend sur la tête les jours de tempête.

Mais alors vous interrogerez-vous, le regard aussi glauque qu’un merlu poèlé au beurre salé : qui lisse les cailloux afin de les rendre si doux et câlin au toucher ? et d’où vient ces galets persan du bord de mer ? Simple : le galet est vivant, il bouge, se déplace, transite, migre, ne perd pas ses poils et évolue tout le temps sauf bien sûr, lorsqu’on le regarde, car c’est un grand timide.

 

Mais ça c'était avant

Jadis en effet, dans des temps fort fort lointains, lorsque les dictionnaires n’existaient pas parce que les gens ne savaient pas lire, et bien avant l’invention de la TV noir et blanc, la mer avait pris l’habitude étrange de changer de niveau régulièrement. A chaque glaciation, elle descendait de 10 à 20 mètres puis, à chaque déglaciation elle remontait de plus ou moins la même hauteur. Evidemment, c’était pratique pour les habitants car ils étaient une fois au bord de la plage, et une autre fois à la campagne pour peu qu’ils fussent immortels plusieurs millénaires durant. Mais personne ne s’en plaignait car l’état de catastrophe naturel n’avait pas encore été signé par les préfets de l’époque glacière.

Or donc, durant des millénaires ans, la mer fit son boulot de mer : Elle démonta joyeusement les falaises qui jadis étaient fort neuves donc fort hautes, roula hardiement les cailloux pour en faire des galets, puis des dunes de galets, et tout le monde fut content. Une fois son boulot terminé, mille ans passé et la glace refondue, le niveau de l’eau montait et le mer engloutissait allègrement son œuvre pour attaquer plus loin et plus haut, une autre série de falaises et la réduire également en cordon de galets, etc etc. Ainsi, à force de monter et de descendre, de glaciations en déglaciations, elle mit le bazar sur tout le littoral en formant des cordons de galets à différentes altitudes, et tout cela sans que personne ne lui en tienne rigueur, car jadis le développement durable n’existait pas.

Aujourd’hui que la mer est calmée pour quelques temps et que la montée des océans ne se mesure qu’en cm dans les milieux autorisés, la résultante est qu’ il existe des cordons de galets sous les océans mais pas que : Dans les terres aussi, plus ou moins éloignées du rivage en fonction de la platitude de la région, ils témoignent par leur présence des différents niveaux marins atteints jadis.

Mais ou sont passés ces galets

 

Ce problème étant réglé avec la maitrise d’un maitre jedi, attaquons présentement la question suivante avec ceux qui ne se sont pas encore endormis à la lecture du présent précis, à savoir pourquoi les cordons de galets disparaissent-ils, à l’instar de l’éro vili de la baie d’audierne qui frimait vaillamment du haut de ses 8 mètres il y a encore 70 ans, et qui maintenant est aussi plat qu’une complète œuf brouillé. Vous savez maintenant, puisque je vous le sussurate plus haut à votre oreille de padawan interrogatif, que le galet bouge et chante fort, très fort. Pour preuve, l’équation avérée, inventé sur place et permettant le calcul savant du nombre de décibels émis par un cordon de galets lors d’une tempête d’équinoxe.

 

Celle ci assure une proportionnalité relative grâce à l’addition du coefficient de marée multiplié par le nombre de galets en tonne, l’ensemble étant divisé par le carré de la distance du sujet par rapport à la mer, et multiplié bien sûr, par la vitesse du vent en noeuds. Les anciens, de biens braves gens qui étaient nés dotés d’un bon sens naturel que nous avons égaré depuis et de toutes leurs facultés mentales, avaient coutume d’entendre gronder l’éro-vili à Plonéour-Lanvern, même à jeun ; Parfois même, ce grondement portait encore plus loin, les jours de tempête ou l’éro-vili était très colère, ou les jours de chouchen-days, lorsque les éthylomètres et les sonomètres de la maréchaussée étaient en alerte. C’est à cette époque lointaine que fut inventé le fameux dicton bigouden qui servit également plus tard  de devise au bourg de Plonéour-Lanvern : « Hein ? »

 

Il faut cependant souligner que si le galet s’avère doté d’une motricité certaine, ce n’est pas parce qu’il équipé naturellement d’origine d’une quelconque possibilité de ramper, tel l’ormeau moyen sur les roches de Penmarc’h. Car, le galets bouge mû par son élément naturel, la mer et cela sans avoir appris le moindre mouvement de natation. La mer en effet le pousse, le projette, le lisse et le roule, engendrant ce bruit terrible les jours de grande houle, semblable au roulement de l’orage et pouvant s’ouïr à moults lieues de distance. Par la même occasion et tant qu’à bien faire, le mer rapporte d’autre galets frais, récupérés ça et là au fil de ses achats dans les falaises anciennement créées, lors des différentes glaciations.

 

Todt a toujours raison

Galets 3MiniCette action a pour effet de renforcer l’ero-Vili, tout au moins tant que l’homme ne pompe pas dans la ressource, car le galet sert... et c'est exactement ce qui arriva en Baie d’Audierne : Tant que les prélèvement se limitaient, sur chaque communes littorales concernées, à quelques ridicules mètres cubes de petits galets péniblement chargés dans les chariottes pour servir localement de matériaux de construction, rien ne se passait et la dune, stable, tranquille et fière comme une bigoudène face au port de Kerity, ne s’en émouvait point. Puis les prélèvements s’amplifièrent avec l’ère moderne pour dépasser allègrement les centaines de mètres cubes prélevés. Mais l’État, propriétaire devant Dieu de tout ce qui n’est à personne, s’empressa de réglementer sans vraiment contrôler in situ, car chacun sait que les règlements sont là pour être respectés. C’est là qu’arrive la Todt qui, devant l’État Français vaincu et sans rire du tout, demanda fin 1941, « à être autorisé à draguer du galets ». Ce qui se fit manu militari, entrainant par la même occasion la création de quelques babioles inusables comme le site des concasseurs de Tréguennec, le mur casemate et la voie ferrée Tréguennec-Pont l’Abbé, sans oublier une décoration locale en béton armé du plus bel effet, disséminé sur le linéaire de plage entre la pointe de la Torche et le port de Penhors. C’est ainsi qu’environ un million de mètre cube de galets passèrent à l’ennemi via une collaboration passive et servirent à la fabrication de l’Atlantikwall, affaiblissant l’Ero Vili de manière inquiétante comme le soulignèrent les ingénieurs à l’époque.

La paix revenu, l’ero vili fort affaibli par ces prélèvement guerriers se retrouva fort dépourvu quand les tempêtes hivernales furent venues. Il subit de plein fouet les perturbations climatiques annuelles qu’il ne put contenir, et la mer ne mit que quelques décennies pour finir par étaler façon crêpes au beurre cet ancien rempart entre le large et les paluds de l’arrière pays.

 

A lire pour dormir moins bête ce soir :

(1) Le(a) lecteur(trice) érudit notera avec effroi les erreurs de l'encart intitulé "Le Mur de l'Atlantique construit avec des galets d'Audierne" : "des entrepreneurs locaux réinvestissent les infrastructures laissées sur place et fournissent des matériaux pour la reconstruction de Brest." Dans la réalité, c'est l'entreprise Vialit qui décroche le contrat visant à liquider le stock de galets non concassés laissé sur place par les Allemands. Quant à la reconstruction de Brest, s'il est vrai que quelques trains de galets sont bien partis vers Brest, les concasseurs ont surtout servis à fournir des matériaux de voirie pour réparer les chaussées et les ouvrages d'art du Finistère, ainsi que du ballast pour la mise à  voie normale de la ligne Pont l'Abbé-Le Guilvinec. Les entreprises locales, quant à elles, n'ont jamais réinvesties les infrastructures laissées sur place par le départ des allemands, car à la fermeture du site, l'ensemble des matériels fut vendu par les domaines. Voir à ce sujet la page du site intitulée "L'après guerre".

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