Faut-il démolir le concasseur

Faut-il démolir le concasseur de Tréguennec ? Alors que le Conservatoire du littoral, propriétaire des lieux, envisage une destruction partielle de certains bâtiments, des voix commencent à s'élever contre ce projet. C'est que cette ancienne usine a une valeur historique. Au début des années 40, des centaines de milliers de tonnes de galets sont parties de là, servant de matériaux pour la construction du « Mur de l'Atlantique ».

Un article paru dans le quotidien Le Télégramme le 12 octobre 2001 sous la plume d'Olivier Desveau.

C'est un site exceptionnel, dominant toute la baie d'Audierne. De vieux bâtiments rongés par le sel et le temps, et un mur immense. Certains l'appellent l'usine à galets. D'autres, le concasseur. Ce qui est certain, c'est qu'en pays bigouden, tous connaissent Croaz an Dour, à Tréguennec. Projet de destruction partielle Dans son projet de réaménagement des sites dont il est propriétaire en Baie d'Audierne (projet qui est loin de faire l'unanimité chez les élus des communes concernées), le Conservatoire du littoral a réservé un sort particulier à Croaz an Dour. A commencer par ce qui reste de l'usine. Ainsi, la destruction des trémies, ces grands entonnoirs de béton qui dominent le site, est envisagée. De même que l'arasement de la rampe qui permettait d'accéder à ces trémies. Pas question toutefois de toucher à la digue, qui permettait de ramener les galets jusqu'à l'usine.
Pour le Conservatoire du littoral, l'objectif est avant tout de sécuriser les lieux. Déjà, des ganivelles ont été installées, il y a un an, autour des trémies, afin d'éviter que des curieux ne s'aventurent sous les bâtiments en ruine. Et puis il y a eu ces rave-parties à répétition, ces derniers mois, inquiétant à la fois riverains et propriétaires du site. Pour beaucoup toutefois, la destruction de certaines de ces constructions n'est pas une solution. Ainsi, le conseil municipal de Tréguennec, qui vient de rejeter en bloc le préprojet de réaménagement de la Baie d'Audierne présenté par le Conservatoire du littoral, n'y est pas favorable. Dans un courrier adressé au conservatoire en juillet dernier, le maire, Alexandre Robin, insistait notamment sur «la valeur de mémoire historique des trémies». Un lieu historique Même réaction pour certains habitants de Tréguennec. Ainsi, Pierre Pérennou, qui connaît bien l'histoire des lieux. «C'est fin 1941-début 1942 que les premiers sondages ont été effectués sur les lieux par Todt, un proche de Hitler, rappelle-t-il. L'objectif était d'exploiter le cordon de galet, afin de construire les fortifications du mur de l'Atlantique, qui devait s'étendre de la Norvège à l'Espagne».
Durant toute l'année 1942, des centaines de personnes vont travailler à la construction du mur, rejoignant le site à la dune. Et fin 42, l'exploitation commencera, avec une voie de chemin de fer, allant jusque sur la dune, de Tronoën à Penhors. Sur cette voie, des wagonnets étaient remplis de galets, qui gagnaient le site de Croaz an Dour, où ils étaient déchargés dans les trémies. De là, des trains partaient vers Pont-l'Abbé, puis vers toute la France. Et en 1943 est mis en place un chantier de concassage de gros galets. «Six à dix trains partaient chaque jour, raconte Pierre Pérennou. On travaillait sur le site nuit et jour, dans le bruit et la poussière. Beaucoup de gens du nord de la France sont venus travailler là, des Polonais aussi, et puis la population locale...» Les bases de sous-marins de Brest, Lorient et Saint-Nazaire seront ainsi en partie construites grâces aux galets bigoudens. Le site était tellement important pour les Allemands que début 44, Rommel en personne y passa pour une inspection. «Ça fait partie du paysage» A la Libération, c'est une entreprise française qui continuera l'exploitation. Jusqu'en 1968. «On estime qu'un million de tonnes de galets ont été extraites ici et exportées», indique Pierre Pérennou, qui ajoute : «Pour moi, ce site appartient au patrimoine llocal. Plutôt que de le détruire, il serait probablement possible d'y aménager quelquechose». Et de conclure : «Bien sûr, ce n'est pas beau, mais pour nous, ça fait parti du paysage. Si on devait détruire tout ce qui est moche, on n'en finirait pas...

Source : Le Télégramme octobre 2001 - Olivier Desveau. (lire l'article complet au format pdf)

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